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Démystifier la crise au Venezuela


Le Venezuela est une dictature : vrai et faux

Nicolas Maduro, président de l’assemblée nationale sous Hugo Chavez, lui succède à sa mort en 2013. Il fut ensuite réélu en 2018, lors d’un scrutin controversé, soupçonné de fraudes électorales.

Le président Maduro n’a pas pris le pouvoir de manière arbitraire, il a gagné les élections démocratiques de son pays. La simple présence dans les médias de l’opposant politique Juan Gaido, qui vient de s’autoproclamer président du Venezuela, définit le caractère démocratique du pays, puisque Gaido est le président de l’Assemblée Nationale. Pas de parti unique donc, ni de pouvoir autocentré, mais une opposition politique, un contre-pouvoir.

Le Venezuela n’est pas une démocratie comme nous l’entendons. Le pouvoir politique est ancré dans une tradition caudilliste, c'est-à-dire un pouvoir aux mains du militaire. Cette pratique autoritaire du pouvoir n’est pas nouvelle au Venezuela, elle a existé dans beaucoup de pays sud-américains. Même si Maduro lui-même, issu du syndicalisme, ne provient pas de l’Armée, l’exercice du pouvoir reste traditionnellement attaché aux anciennes valeurs : contrôle des médias, populisme, un certain culte de la personnalité, etc.

Une autre composante importante du pays renvoie à la Révolution Bolivarienne, du nom du héros de l’indépendance latino-américaine, Simon Bolivar. Cette idéologie, initiée par Hugo Chavez, se fonde sur une justice sociale, une indépendance économique et un anti-impérialisme. Un concept politique qui nous semble flou, éloigné des préoccupations occidentales, mais qui explique, sans le justifier, le type de gouvernement présent en Amérique Latine.

Maduro est responsable de la ruine du pays : vrai et faux

C’est un fait, le Venezuela est un pays au bord de la faillite. La monnaie nationale, le Bolivar, a chuté drastiquement, entrainant une inflation catastrophique provoquant la ruine de millions d’habitants. Tous les observateurs internationaux s’accordent pour désigner un seul coupable : Nicolas Maduro, dont la politique économique et les lacunes dans le renouvellement des infrastructures ont conduit le pays au chaos social.

Comment le Venezuela, pays qui possède la plus grande réserve de pétrole au monde, devant l’Arabie Saoudite, est-il encore considéré comme un pays en voie de développement, classé 47e au PIB mondial, derrière la Roumanie ou le Bangladesh ?

Mauvaise gestion ! répondent en cœur les experts interrogés. La réalité est un peu plus complexe, et nécessite de se pencher sur le fonctionnement du marché mondial de la monnaie. Dans un monde globalisé, tout s’achète et se vend. La monnaie obéit donc au Marché mondial, à travers le FOREX, ou Foreign Exchange. Le FOREX est un marché d’échange de devises, avec des taux qui varient quotidiennement. Quand vous partez en vacances, vous devez changer votre argent pour une monnaie locale, c’est à peu près la même procédure, mais avec des valeurs immensément plus grandes. Le Venezuela, mono-économie pétrolière, vend ses barils en bolivars contre des dollars américains, car le pétrole est indexé à la monnaie Étatsunienne. De plus, il doit importer une grande majorité des produits de consommation, ne produisant pratiquement que du pétrole. De ce fait, le Venezuela est à la merci des marchés boursiers mondiaux. La politique violemment anti-impériale et économiquement nationaliste a donc inquiété les marchés financiers, provoquant ce qu’on peut qualifier d’attaque boursière. Pour faire simple, les bourses du monde entier possédant des bolivars, ont vendu leurs parts sur le Marché, entrainant la chute du cours de la devise. Les importations deviennent alors très chères, l’inflation se répand partout et une crise sociale éclate. Il serait donc malhonnête de condamner Maduro pour ses erreurs de politique économique quand la crise est le résultat d’attaques extérieures.

Le chef d’État n’est pourtant pas totalement innocent aux problèmes rencontrés par le Venezuela. Comme Chavez avant lui, il est incapable de diversifier l’économie du pays, meilleur moyen de résister aux attaques extérieures, en limitant les importations le plus possible. Une diversification industrielle et agricole permettrait au Venezuela d’avoir une économie subsistante, une indépendance économique en somme.

Les occidentaux ont raison de vouloir un changement de gouvernement : vrai et faux

Il est indéniable que la crise économique provoque une colère sociale majeure. Les Vénézuéliens, sous pression d’une inflation chaotique, réclament un changement politique de grande ampleur. Ils ne portent pas de gilets jaunes, mais la contestation politique et sociale en France ressemble fortement aux manifestations de Caracas. La comparaison s’arrête là, car aucun membre du gouvernement ou opposant politique du président Emmanuel Macron ne s’est autoproclamé nouveau chef d’État, aucun pays étranger n’a légitimé les gilets jaunes au détriment du président français. Cette ingérence occidentale, au nom de la démocratie, s’apparente à un néocolonialisme. Une guerre d’influence entre les USA et la Russie, au nom d’intérêts financiers et géopolitiques, est en train de s’opérer actuellement en Amérique Latine.

Le président Maduro aura vraisemblablement du mal à supporter la pression de la rue, sans recourir à des actions violentes contre les manifestants, creusant ainsi sa propre tombe politique. Cependant, l’Armée ne suit pas Juan Gaido, et tout en condamnant les malversations politiques, elle appelle à une certaine stabilité du pouvoir. Les militaires tiennent donc les clés de l’avenir politique du pays.


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