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Le Québec est-il schizophrène ?


Sujet au combien épineux, la récente vague d’indignations à l’encontre des pièces SLAV et KANATA de Robert Lepage et Ariane Mnouchkine a provoqué un débat assez virulent sur la place publique, opposant les partisans de la liberté d’expression à ceux dénonçant le racisme et l’appropriation culturelle. Ces derniers arguant que l’Histoire appartient ä ceux qui l’ont subi, et qu’il est offensant de récupérer une culture et ainsi s’accaparer ses codes.

A travers les dizaines d’éditos, prises de positions et articles polémiques, on peut remarquer que peu s’interrogent sur la qualité du produit, mais tous défendent ou condamnent l’initiative du metteur en scène. C’est la forme qui est attaquée plus que le fond. On peut expliquer cela par le fait que peu ont vu les pièces de théâtre, celles-ci ayant été annulées rapidement suite au tollé provoqué.

White Washing et Kabuki

Robert Lepage et Ariane Mnouchkine devaient-ils mettre en scène des communautés dont ils ne sont pas issus ? Est-il devenu impossible aujourd’hui de créer sans en référer au tribunal populaire de la censure ? Est-il maladroit de faire appel à des acteurs blancs pour jouer des autochtones dans un cas, des noirs dans l’autre ?

Ce phénomène, que l’on appelle White Washing aux USA, ne date pourtant pas d’hier. Le théâtre japonais Kabuki employait traditionnellement des hommes pour jouer des rôles féminins sur scène. L’art n’est-il pas l’expression personnelle, le point-de-vue créatif unique d’un individu, son regard sur le monde, les événements historiques, une appropriation culturelle au sens premier du terme ?

On assiste à un retour en force de l’ordre moral, sur fond d’affaires de harcèlement sexuel, de suspicion de racisme systémique et autres condamnations morales. Par peur de heurter telle ou telle communauté, chacun reste prudent et une forme d’autocensure s’applique.

Communautarisme contre Universalisme

Ce débat met mal à l’aise la société québécoise dans son ensemble. Depuis quelques années, deux phénomènes se sont accrus, une immigration grandissante et la montée du communautarisme, engendrant de nombreux débats et questions. Ainsi, le Québec est aujourd’hui, passez-moi l’expression, le cul entre deux chaises. Issu d’une double culture, il est le témoin d’une lutte entre deux modèles civilisationnels, le modèle communautaire bien-pensant anglo-saxon, et le modèle universaliste français. On assiste ainsi à un mouvement de balancier idéologique. La Belle Province adopte parfois une liberté de ton que n’aurait pas renié Charlie Hebdo (période Professeur Choron), avec par exemple la présence au festival Juste pour Rire de l’humoriste Dieudonné, décrié en France. A contrario, l’affaire SLAV/KANATA renvoie les communautés les unes face aux autres.

Le Québec fait face à un choix de société qu’il ne peut éviter, car ce non-choix canalise les tensions et fissure la cohésion sociale, indispensable au bon fonctionnement d’une société.


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